Kaléidoscope de musées et monuments de par le monde, entre muséologie comparée et tourisme iconographique.

vendredi 15 juin 2012

Palais de Mattancherry, Cochin, Inde


50 roupies par personne, photographie interdite.


Le palais de Matancherry, du nom du quartier où il est installé, sur la même presqu’île que Fort-Cochin, est aussi appelé « Palais Hollandais ». Chose amusante, puisqu’il fut en réalité édifié en 1555 par les Portugais, premiers occidentaux arrivés dans la région, comme cadeau pour le raja de Cochin, Veera Kerala Varma. Son surnom est en fait du à la restauration assumée par les hollandais en 1663. Malgré ces origines occidentales, le palais est construit dans le style indo-kéralais, avec ses belles charpentes travaillées, de magnifiques plafonds à caissons peints et ses toits rappelant les pagodes chinoises.
Le musée qu’il abrite est dédié à l’histoire de la famille royale de Cochin, à travers des collections éclectiques, allant de la cinquedea au palanquin, en passant par la traditionnelle galerie de portraits.

L'entrée du musée

Dès l’entrée, nous remarquons l’insistance du personnel du musée quant à l’interdiction de prendre des photographies. Souvent en Inde, quand la photographie est interdite (ce qui est courant, entre les temples et les très nombreux musées et monuments qui n’en veulent pas non plus), on ne vous laisse même pas rentrer avec votre appareil, qu’il faut déposer à la consigne. Heureusement ici, même s’il vous couve de regards inquiets, le personnel est assez nombreux pour vous surveiller, et vous permettre de vous promener avec la machine, tant qu’elle reste bien enfermée dans sa sacoche. En avançant dans le musée, la signalétique est très présente « No photography » et « Don’t touch the objects » sont présents dans toutes les salles.

 Détail de l'escalier d'accès au musée

La récurrence de cette interdiction photographique, et la diligence du personnel à la faire respecter (nous avons vu des visiteurs indiens se faire contrôler les cartes mémoires, TOUTES les cartes mémoires, ainsi que les téléphones portables, pendant de longues minutes, par les gardiens, dans ce musée, sur une simple suspicion de photo subreptice) me fait m’interroger sur ses raisons.
J’ai du mal à croire qu’il s’agisse uniquement de mesures de conservation ; dans ce cas précis, le palais de Matancherry abrite de magnifiques peintures murales du XVIe siècle, que les flashs répétés des visiteurs mettraient bien à mal. Cependant, le manque évident de soins quant à la conservation des collections dans ce musée contredit l’idée que l’interdiction de prendre des photos vise à les sauvegarder.
S’agit-il alors d’une questions de droits ? Nous sommes là dans un musée public, sous la direction de l’Archeological Survey of India, mais je ne suis pas assez renseignée concernant les droits privés et publics en Inde ; d’ailleurs, si quelqu’un mieux renseigné que moi sur le sujet passe par ici, qu’il/elle n’hésite pas à m’en parler !
Finalement, j’ai envie de pencher pour la raison tout simplement mercantile, qui permet au musée de vendre plus de cartes postales en empêchant les visiteurs de faire leurs propres photos des œuvres ; mais dans ce cas-là, pourquoi ne pas faire payer le droit photographique, comme de nombreux autres musées et monuments indiens, qui y trouvent une grasse source de revenus (pouvant aller jusqu’à faire payer 500 roupies le droit de filmer pour un étranger, soit une assez belle somme pour ici) ?
Après une petite recherche infructueuse sur le net pour trouver quelques photos à vous montrer de l’intérieur du palais, et au moins de ses fameuses peintures, j’en conclus que décidément, les gardiens font bien leur travail…

Première galerie
Très belle, tout en bois, vernis ou peint, cette galerie expose chaises et palanquins de la famille royale. Certains sont tellement petits que nous avons du mal à croire qu’un humain puisse y rentrer. Depuis, nous avons vu des films en costume utilisant ce type d’objets, et avons constaté que c’était possible !
Tout le long de la galerie, de nombreux sièges permettent (déjà !) de se reposer en admirant les objets et le palais. Ici, nous admirons surtout les dispositifs de mise à distance, beaucoup trop nombreux ; les palanquins sont non seulement protégés par des cordons, marqués des mots « Archeological Survey of India », mais aussi par des grandes plaques de plexiglas, abîmées, sales, et pleines de reflets. Dommage. Je ne reviens pas sur les nombreux panneaux rappelant l’interdiction de prendre des photos, qui eux aussi gâchent un peu le spectacle. Autre petit problème relevé en remontant la galerie vers la suite de la visite ; en marchant sur le plancher, on fait trembler le sol, dont les vibrations se répercutent dans les palanquins et les chaises à porteurs.
Juste avant de sortir de la galerie, je note au-dessus de la porte une caméra de sécurité, orientée de manière à filmer l’intégralité de la pièce. Comme toujours, je me demande si elle est réellement en fonction, ou juste là pour faire joli.

Deuxième salle
De très belles peintures murales du XVIIe siècle représentant des épisodes du Ramayana décorent cette seconde salle. Elles ont apparemment fait l’objet de restaurations, au parti-pris illusionniste ; elles sont repérables à la différence de vernis employé, et une très légère nuance dans les couleurs.
Là où les peintures n’étaient pas récupérables, un enduit blanc les remplace.
Des cartels, écrits à la main sur des plaquettes de bois, sont posés sur le sol.
La salle est dotée de très belles portes anciennes, malheureusement pourvues de loquets modernes, qui, s’ils renforcent la sécurité des lieux, défigurent leurs supports.

Photo d'une des peintures du Ramayana, trouvée sur le site Hindu Existence
 
Troisième salle
Cette « galerie hollandaise » retrace l’histoire de l’occupation néerlandaise à Cochin, à travers des timbres, des dessins, des plans, et de grands panneaux explicatifs.
Les vitrines destinées aux timbres sont relativement neuves ; mais le fond est fait de plastique à paillettes. Si l’on peut saluer l’originalité de la chose, on ne s’interrogera pas longtemps sur la raison de sa rareté dans les vitrines de musées.
Les arts graphiques exposés dans la pièce sont très abîmés, non seulement par l’absence de contrôle atmosphérique du musée, mais surtout par la lumière du soleil, qui vient parfois toucher directement les œuvres. Cette dernière est complétée par un éclairage au néon qui s’accorde assez mal avec les boiseries et les peintures murales du Siècle d’Or.
Par exemple, une grande carte de la côte de Malabar, de 1687, est devenue entièrement illisible.
De plus, les cadres sont souvent inadaptés, trop grands, trop petits, ou tout simplement trop vieux. Autre observation troublante, un cartel collé directement sur une gravure. Certains cartels sont traduits en anglais, mais pas la totalité.
Comme dans la plupart des musées indiens, une section numismatique rend hommage à cette passion intemporelle du pays.

Quatrième salle
Ici commence la Kerala History Gallery, qui court sur plusieurs salles, et constitue l’exposition majeure du musée. A première vue, il s’agit d’une grande exposition en cartons retraçant l’histoire de la famille royale locale, parallèlement à celle du Kérala (ou l’inverse). Premier bon point, cette exposition est trilingue : hindi, tamoul et anglais. On note là une réelle volonté d’être lu par un maximum de visiteurs. Des cartels uniquement en tamoul ne touchent que les indiens du sud ; les touristes venus d’Inde du nord sont aussi désarmés devant le tamoul que n’importe quel touriste international. Proposer cette version trilingue garantit d’être compris par tous les Indiens (ou presque, mais si on part dans le détail des quelques 300 langues parlées dans le pays, on va être bien embêtés), et de toucher le plus de touristes étrangers possible.
Le mauvais coté de l’exposition, comme nous venons de le dire, c’est qu’elle est en carton. Il est difficile de s’accrocher, de tout lire, notamment les listes généalogiques royales.
Ironiquement, c’est dans cette section que j’observe des ventilateurs dans les salles, là où il n’y a pas d’expôts à préserver.
Pendant notre visite passe une femme, apparemment du personnel du musée, avec un plateau de chai. La traditionnelle pause thé est donc tellement importante qu’on se permet de la prendre dans le musée ; je retrouve le plateau et ses tasses vides quelques salles plus loin, sur un banc XVIIIe siècle, entre deux portraits de rajas. Je connais quelques préventistes qui trouveraient à redire à la consommation de boissons dans les salles…

A la fin de l’exposition en cartons, un panneau explique la restauration du palais et la mise en place du musée. Je suis comme toujours ravie qu’on communique sur les coulisses du patrimoine ; des photos montrent par exemple la restauration des parquets de la première  galerie, ou des détails des peintures murales en cours d’études par les restaurateurs. Il est bien dommage de voir que les efforts prodigués à l’époque risquent d’être ruinés par le manque de continuité dans la politique de conservation.

Galerie des rajas
La fin de la « zone-carton » c’est aussi le retour des objets.
Dans cette galerie sont exposés sur les cotés les portraits en pied de tous les rajas de Cochin, dans un style clairement influencé par les portraits européens du XVIIe siècle. Encore beaucoup de textes explicatifs, pas toujours digestes, mais intéressants.
Au milieu de la salle sont disposés des effets personnels des rajas. Nous nous attardons pour admirer un superbe palanquin en ivoire, daté du XVIIIe siècle, dont les coussins sont soigneusement emballés dans du plastique, tels une banquette de rickshaw*. J’essaie d’éviter de penser aux conséquences de cet emballage durant la mousson.
Dans cette même galerie, où des banquettes permettent de se reposer un peu en admirant les tableaux, nous observons également le comportement des visiteurs. Nous voyons passer de nombreux groupes d’indiens, dont les caractéristiques sont les suivantes : les enfants sont lâchés et courent dans tous les sens, et les adultes sont à peine plus calmes. Toucher les objets semble très important, et nous voyons beaucoup de gens toucher les œuvres, d’un simple doigt négligent sur un cadre à des coups violents sur une sculpture. Le téléphone portable, devenu un élément essentiel de la vie quotidienne, est loin d’être banni du musée, et beaucoup de visiteurs téléphonent. D’autres s’en servent pour prendre des photos, à leurs dépens étant donnés l’efficacité, voire l’acharnement, des gardiens à faire respecter la consigne de l’interdiction photographique.
Je tiens à préciser que j’aimerais que ces commentaires sur le comportement des indiens ne soient pas mal pris ; ils sont basés sur l’observation des visiteurs, non seulement dans ce palais, mais dans de nombreux autres musées, monuments, temples, etc. Nous avons évidemment aussi vus beaucoup de gens se comporter de manière tout à fait appropriée et respectueuse ; mais de manière générale, nous avons été assez choqués par l’attitude adoptée, notamment le besoin compulsif de toucher les objets, et de taper dessus, geste très fréquent dont nous n’avons pas encore appris la signification. Chaque peuple, même si la généralisation est un piège, a ses travers, et je me permets d’en pointer quelques-uns du doigt, dans un but uniquement instructif, et dans un souci d’améliorer les conditions muséologiques que nous observons dans le monde. Chaque élève ou diplômé de l’Ecole du Louvre pourra d’ailleurs vous raconter ce qu’il a observé des habitudes de visites des japonais, des espagnols ou des américains… Je vous remercie donc par avance de ne pas prendre ombrage de mes propos, et de voir le bon coté des choses !

Pour revenir aux conditions d’exposition, de nombreux extincteurs sont disposés dans la salle. Dans cette galerie, l’éclairage des tableaux, plutôt réussi, est assuré par des LED qui semblent neufs. Quelques vitrines sont neuves elles aussi.
Par contre, il y a un gros problème de ventilation ; certains des ventilateurs datent à vue de nez des années 1950, beaucoup ne marchent pas, et il fait très chaud.

 Le symbole de la famille royale de Travancore, sur le pignon du palais

Salle d’armes
Un palais indien ne serait pas complet sans la collection d’armes de sa famille royale ; elle n’est pas immense mais de qualité, notamment une belle épée curvilinéaire appelée Vala, ou une série de Cinquedea.
En vis-à-vis, des panneaux explicatifs retracent l’histoire du kalaripayat, l’art martial traditionnel kéralais.

Salle royale
Cette salle expose des vêtements (différentes tenues pour les différentes occasions), du matériel liturgique (encensoir, aiguière…), des éléments de batterie de cuisine, ou encore du matériel de toilette. Sur des panneaux explicatifs sont montrés les régalia des rajas de Cochin.
Après un tour de la salle, je m’interroge sur la cohérence des expôts entre eux. Mon mari me propose comme explication que tous les objets exposés proviennent du palais et sont regroupés ici à ce titre. Certains des éléments de cuisine ont été offerts par des associations locales, et semblent illustrer la vie quotidienne de Cochin.
De belles photos datant d’entre 1880 et 1920 montrent les membres de la famille royale portant les différentes tenues traditionnelles, dont certaines sont exposées. La contextualisation par les photographies rend la visite agréable et didactique.

Salles des peintures murales
Ce sont les deux dernières salles de la visite, avant de revenir à la première galerie, puisque le musée fait une boucle, occupant tout l’étage de ce bâtiment de forme carrée.
Dans la première salle, une magnifique peinture de Visnu en posture royale, une iconographie appelée Thripunithara Appan ; elle est très restaurée, mais dégage beaucoup de puissance. Sur un autre mur, des sinopies témoignent de peintures murales jamais exécutées.

Visnu en posture de délassement royal, du site ssubbanna.sulekha.com , qui présente d'autres photos de peintures murales kéralaises.

La deuxième salle, bien mieux conservée, est recouverte du sol au plafond de magnifiques peintures, complétées par de très beaux linteaux de portes.

Sur Flickr, une belle photo de la peinture murale de Krishna s'amusant avec des bergères.

Liens utiles

* Aussi appelés tuk-tuk, petit taxi sur un moteur de scooter, le moyen de déplacement urbain privilégié en Inde et consorts.

mercredi 6 juin 2012

Fort de Golconde, Hyderabad, Inde


Golconde, Golkonda en télougou dans le texte, dans l’Andhra Pradesh, fut la capitale du royaume de Golkonda (1364-1512), un des cinq sultanats de la plaine du Deccan. En 1590, suite à une terrible sécheresse, les Qutb Shahi, qui règnent sur la région, déplacent la capitale de Golconde à Hyderabad, à 8 kilomètres à l’Est. La ville est définitivement abandonnée en 1687, avec la conquête de l’empereur moghol Aurangzeb, à qui elle avait vaillamment résisté pendant huit mois (et encore, elle ne tomba que suite à une trahison interne).
Son nom de « Fort » est du à ses enceintes successives ; la plus grande mesure une douzaine de kilomètres, et enserre le village moderne que le touriste traverse pour se rendre au monument. Le fort est construit autour d’un promontoire rocheux de 120 mètres de haut, offrant des constructions à flanc de coteau impressionnantes, mais aussi une vue panoramique sur la région environnante.

L’entrée pour touristes est un poil chère, à 100 roupies, contre 5 pour les ressortissants indiens.
La logique de la chose est excellente ; le patrimoine demeure ainsi accessible aux habitants, et tout au long de nos visites en Inde, nous avons été ravis de constater que les Indiens fréquentent assidûment leurs musées et leurs monuments. Et aligner le prix des billets sur les niveaux de vie plus élevés des touristes afin de générer une source de revenus permettant d’entretenir le patrimoine me semble également tout à fait justifié. Cependant, le ratio me paraît énorme, et le service bien minimal pour un tarif aussi élevé (élevé au regard de l’Inde bien sûr, car 100 roupies ça reste très peu converti en euro). D’une part, à ce prix là, on attend de trouver au moins une copie d’un plan et des toilettes en état de fonctionnement (dans un parc de plus de ? mètres carrés, ça paraît légitime). D’autre part, un tarif aussi élevé, nous ne l’avons pour l’instant rencontré qu’à Hyderabad (à part à Hampi où un billet groupé nous a coûté 250 roupies, mais donnait accès à trois monuments majeurs) ; est-ce dû à une prise de conscience des services culturels de la ville de la valeur de leur patrimoine, ou d’une volonté de pouvoir entreprendre des restaurations et assurer leur conservation ? Espérons que ce choix ne soit pas motivé par l’appât du gain.
Pour rester dans les considérations bassement monétaires, pour une fois le droit photographique est gratuit ; en général, il est interdit de prendre des photos, et quand c’est autorisé, il faut payer un ticket par appareil-photo (ou par caméra, et c’est bien plus cher). Ici, prendre des photographies est gratuit, et la vidéographie est à 20 roupies. 


Je me plaignais de l’absence de plan du site ; peut-être est-ce aussi pour encourager les touristes à faire appel aux services d’un guide. A l’entrée du fort, toute une armée de guides assermentés (autorisation suspendue autour du cou) attend d’emmener le touriste, pour des tours d’une demi-heure (version courte) ou une heure et demie (version longue). Après visite, où nous avons flâné pendant trois bonnes heures sans trop y penser, ces visites doivent être très rapides, voire frustrantes ! Comme dans la plupart des sites où les guides proposent leur expertise, une première explication est offerte, devant l’antique plan du site, et on ne les engage que si l’on est satisfait. Etant d’un naturel indépendant, et armés du plan et des explications de notre Lonely Planet, nous nous dirigeâmes à l’assaut du Fort de Golconde sans guide.


 
Dès le début de la visite, une première curiosité réjouit le touriste, de ces anecdotes dont on se rappellera toujours quand on aura oublié le nom du monument en question. Du châtelet qui garde l’entrée du fort (ci-dessus) part tout un réseau de canalisations, dans les murs et les sols du complexe, qui a été étudié et mis en place pour réverbérer les sons dans tout l’ensemble, afin d’être immédiatement averti de l’arrivée d’ennemis ou toute activité suspecte aux portes du fort. Guides et touristes passent donc tous une dizaine de minutes à taper dans leurs mains sous les voûtes, bien que les fameuses canalisations soient effondrées, bouchées, ou cassées, depuis de longues années.

 Vue des décors de la porte d'entrée

Passé ce « châtelet » (le terme n’est peut-être pas approprié, mais je ne suis pas une spécialiste de l’architecture et ça colle plutôt pas mal !), on rentre enfin dans l’enceinte du site pour découvrir toute son ampleur. L’ensemble est immense, très impressionnant, et à perte de vue puisqu’il s’étale sur une colline, et que l’on est à son pied.
Une partie est restaurée, surtout autour de l’entrée : certaines élévations sont vraiment en bon état et laissent entrevoir la splendeur passée, mises en valeur dans de beaux jardins, d’une verdeur peu naturelle sous le soleil de plomb – 44° le jour de notre visite. Cependant, la majorité du site est à l’abandon. On note ça et là et les effets de vieilles campagnes de restauration, les consolidations effectuées (mais pas toujours finies…), mais aussi l’âge de ces travaux. On dirait que seuls les éléments majeurs ont bénéficié d’un réel intérêt (hall d’entrée et bâtiments adjacents, et mosquées) quand le reste était laissé de coté.

 Vue sur la droite quand on entre, exemple d'un des bâtiments restaurés et entretenus

Vue de la colline depuis l'entrée du site 
 
Au départ de l’entrée, je vous dirais bien que plusieurs parcours s’offrent au visiteur, mais ça ne serait pas entièrement vrai. En effet, un chemin dallé, gris et rouge, serpente à partir de là et dans le reste du fort, marquant un itinéraire conseillé ; parfois, il se divise en deux ou trois, pour se reformer plus loin, et propose ainsi divers chemins. Mais en réalité, le visiteur est totalement libre de se promener comme bon lui semble. Dès que l’on s’éloigne de ce serpent gris et rouge, il n’y a plus le moindre chemin, la moindre balise, et on peut explorer le fort exactement comme on le souhaite ; l’escalade est même envisageable. 

 Le fameux "serpent" gris et rouge, et la preuve qu'on ne peut pas forcément lui faire confiance...

Peu d’endroits sont barrés ou fermés ; les seuls que l’on a notés étaient autour de la cour où est installé un spectacle son et lumière, on a donc conclu d’après la disposition des lieux que les salles fermées l’étaient pour protéger le matériel. 

 La zone son et lumière du site ; beaucoup de monuments proposent un spectacle de ce type, ça a apparemment beaucoup de succès auprès du public indien.

Le résultat est assez agréable ; il est plaisant de pouvoir se faire son propre trajet, du coup de manière assez tranquille, puisque le touriste local emprunte peu les chemins de traverse, mais l’ensemble est un minimum fléché pour ne pas trop risquer de se perdre. 

Exemple de "chemin de traverse" évoqué ci-dessus
 
Cependant, il n’y a pas assez de signalétique pour réellement comprendre le site. Le manque de médiation participe-t-il là aussi d’une volonté d’encourager le travail des guides ? Dans ce cas, les touristes non-anglophones (hors tamoul, télougou, et autres langues d’Inde du Sud), sont particulièrement pénalisés.
Le manque de contrôle des visiteurs résulte également en un vandalisme répandu sur tout le site ; partout des gravures et des tags dans les murs, malgré les nombreux panneaux d’interdiction. Il y a trop peu de gardiens pour faire respecter la consigne sur l’ensemble du site ; les seuls que nous ayons croisés étaient proches de l’entrée. 

 La fameuse interdiction...

 et ses nombreuses transgressions. En bas à droite, vous ne rêvez pas, c'est de la fumée ; un tas d'ordures en train de brûler, en plein site.
 
 De nombreux bassins et puits émaillent le site ; tous sont d'une saleté confondante, trahissant un gros problème d'entretien.

Un autre inconvénient de cette « liberté de visite » est dans la sécurité, relativement basse ; on peut penser que certains des vestiges, dont les consolidations sont fort anciennes, et fragilisés par le cycle des moussons et des étés très chauds, sont propices aux éboulements. 

Ca commence à s'écrouler ? Pas de panique, un peu de béton par-ci, un peu de béton par-là, et tout tient de nouveau en place !
 
De plus, de nombreuses zones, en haut de la colline, proposent des points de vue au-dessus d’à-pics sans aucun parapet. Ceci dit, la vue est magnifique. 
 Une grande mosquée (en espérant ne pas vous dire de bêtises, vu le manque de signalétique sur le site, c’est ce que j’ai conclu de l’architecture et des quelques informations que j’ai pu réunir) somme la colline, offrant une vue imprenable sur la plaine, la ville d’Hyderabad, et la nécropole des rois Qutb Shahi, à 1 kilomètre de là. 


 La mosquée du sommet

 Vue depuis le toit-terrasse de la mosquée sur le reste du site en contrebas, et la mégalopole qui s'étend derrière

Juste en dessous de la mosquée abandonnée, un temple à Kali, seul bâtiment du site toujours en activité, et très fréquenté. Sa présence et ses couleurs au milieu de cette ville musulmane désolée résonne comme un pied de nez à l’envahisseur arrivé de l’Ouest il y a plus d’un millénaire.

 Une des peintures à l'entrée du temple

Pour conclure, un site magnifique, et incontournable quand on passe à Hyderabad, et dont l’organisation permet une expérience de visite assez unique et introuvable sur les sites plus policés d’Europe par exemple. Cependant, il est à déplorer le manque de sécurité pour le visiteur, mais aussi pour les monuments, copieusement dégradés par les visiteurs et le manque d’entretien. Le site mériterait une plus ample médiation, pour une meilleure compréhension (et des plans qui auraient moins de 50 ans). 

En bonus, deux photos des belles arcades du Fort, dont on apprécie tellement la fraîcheur par 45 degrés :



Liens utiles :
L'histoire du fort sur Wikipédia, pour aller un peu plus dans le détail