9000 sums par personne (dans les 4$), 3000 sums
par appareil photo. Ouvert tous les jours de 9h à 17h.
Situé au nord-est de Samarkand,
sur une colline face au complexe de Bibi Khanum, le complexe archéologique
d’Afrosiyob (prononcer « Afrasiyab ») s’étend sur plus de 220
hectares, et sur une profondeur de 8 à 12 mètres. Il s’agit du site de la
première fondation de Samarkand, dont on estime l’occupation à partir du VIIe
siècle avant J.-C. jusqu’à 1220 de notre ère. Il fait partie des vestiges
archéologiques les plus importants concernant la civilisation sogdienne, avec
notamment son palais et ses fabuleuses peintures. Le site a été découvert dans
les années 1880 par des archéologues russes ; une deuxième vaste campagne
d’excavation met à jour le palais dans les années 1960. Le musée est construit
dans les années suivantes pour abriter ses précieuses trouvailles. Les fouilles
se poursuivent inlassablement depuis bientôt 140 ans.
Le musée est climatisé, mais la
porte d’entrée est grande ouverte ; il n’y a pas de sas. Dans le petit
hall d’entrée, on trouve à droite la billetterie, à gauche la boutique de
souvenirs. Pas de musée ouzbèke sans souvenirs et artisanat ; les produits
à vendre prennent même parfois plus de place que les collections elles-mêmes.
A gauche l'entrée, et son armée de gardiennes |
Finalement, me voyant très peu
intéressée par leurs broderies et plongée dans ma prise de notes, elles ne
m’embêteront pas.
Dans un coin de cette première
pièce, on trouve un climatiseur éteint et des sacs poubelles. Bon.
|
On y voit de nombreux
ossuaires, datés du Ve au VIIe siècle après J.-C., en terre cuite aux motifs
estampés ; certains sont très finement décorés, d’autres plus simples.
Le plus beau - à mon sens - de ces ossuaires, avec une scène d'adoration du feu en bas, et du soleil en haut |
La petite porte à droite mène à la salle centrale du musée |
Les éclairages ont l'air tout neuf et pourvus d'un système d'évacuation de la chaleur vers le haut |
Une des nombreuses clims éteintes |
Et l'écran éteint lui-aussi |
Les cartels sont
trilingues : ouzbèke, russe, anglais, et encore plus minimalistes que
d’habitude : un titre, une date, point. En y réfléchissant, je suppose que
la provenance n’est pas forcément nécessaire puisque nous sommes dans un musée
de site. La lumière est allumée un peu aléatoirement dans les vitrines ;
les cartels sont également un peu aléatoires. Par exemple, deux vitrines
contenant le même type d’objet auront deux cartels différents. Surement une
envie de varier plutôt que de faire des copier-coller.
Toutes ces vitrines sur la droite contiennent des fragments de plâtres moulés pour décor architectural, même datation, mais pas une seule vitrine ne comporte le même cartel |
Le bâtiment est organisé autour
de la pièce centrale, qui contient les pièces maîtresses du palais d’Afrosiyob,
les peintures murales du VIIe siècle.
La pièce est aveugle, puisque les
fresques recouvrent tous les murs ; la seule ouverture est pour l’entrée
des visiteurs. La climatisation est éteinte, mais la lumière est assez douce.
Devant chaque mur, un panneau sur pied propose un dessin de restitution du
motif, très utile vu l’état de conservation des œuvres. Surprise : les
légendes sont en français ! J’en suis bien aise, puisqu’il s’agit de la
seule médiation écrite de la pièce. Aucun panneau, aucun texte, aucun cartel,
absolument rien sur la découverte des peintures, leur datation, le contexte de
leur excavation, l’explication des iconographies… juste ces panneaux dessinés. Un
petit peu dérangeant, ces dessins sont très complets et proposent des scènes à
deux registres ; or les fresques ne constituent que le registre inférieur.
Qu’est devenue l’autre moitié ?
Ces peintures datent de l’époque
sogdienne et constituent des éléments majeurs de la connaissance de l’art
sogdien ; leur interprétation est parfois controversée, mais les scènes
semblent assez classiques : cortège nuptial, empereur en majesté recevant
les tributs de différents ambassadeurs, scène de chasse royale.
La fresque centrale... |
... et sa clé de lecture, tout de même très utile |
Une des zones les plus lisibles : à gauche, on distingue nettement deux ambassadeurs sur leur chameau |
L'éléphant qui amène la princesse chinoise qui doit marier l'empereur sogdien |
Scepticisme face aux installations électriques de la salle... |
Les pièces du musée sont
disposées autour de cette salle centrale, comme un grand U. Les collections
archéologiques comprennent autant de la vaisselle que des ossements, des
éléments architecturaux, ou de petites pièces, comme des fusaïoles ou des
figurines moulées.
Une contextualisation est offerte
par de grandes photographies du site archéologique à l’entrée de la première
pièce. Mais je déplore le manque de cartels. Ils sont d’ailleurs disposés de
manière un poil fantaisiste, parfois dans les vitrines, parfois posés dessus,
parfois de guingois.
Entrée dans la galerie des collections, vue sur la droite |
Entrée dans la galerie des collections, vue sur la gauche |
Les vitrines et la décoration
sont un peu à l’ancienne, et étaient surement de très bonne qualité quand elles
étaient encore neuves. L’ensemble général demeure propre et bien, mais à y
regarder de près, une petite rénovation ne ferait pas de mal.
Ca dépasse un peu... |
Par-ci par-là... |
En revanche, j'aime bien les supports transparents pour les céramiques |
De même qu’au musée de Tashkent
sont exposés des restes humains. Y est associée une typologie de crânes qui
demeure un peu obscure puisque toute en ouzbèke. A coté sont exposées de photos
années 60 de restauratrices au travail.
Juste après cette section
« anthropologique » sont exposées de grandes jarres en céramiques,
recontextualisées en les plantant dans un faux sol ; l’effort est louable,
le résultat peu engageant. En vieillissant et en prenant de la poussière,
l’effet est beaucoup moins sympathique que prévu.
Parfois, les céramiques sont
posées sur les vitrines. Ce me semble un peu dangereux.
Pendant la visite, une vigile
vient et éteint certaines lumières de vitrines. Je me demande bien pourquoi.
La muséo-fil de nylon, ca vous rappelle des souvenirs ? |
Toutes les fenêtres sont pourvues
de stores, mais ils ne sont pas toujours tirés. Ils contribuent à conserver la
fraîcheur du bâtiment.
Sont également proposées des
petites reconstitutions architecturales à partir de restes
archéologiques : un intérieur de maison du VIe siècle, avec sa meule et
son foyer, et un autel zoroastrien du VIIe siècle.
Parfois le cartel ouzbèke est écrit en lettres latines (le plus souvent) |
L'autel zoroastrien |
D'autres fois, le cartel ouzbèke est en lettres cyrilliques. |
Les séquences sont séparées
par des cloisons modernes rappelant l’habitat de l’époque, avec des fenêtres à
la forme caractéristique, en forme de flèche pointée vers le haut. Les fenêtres
de cette section du musée sont obturées par des caches blancs qui reprennent la
même forme. Un jeu de fausses colonnes se répond d'une pièce à l'autre. L'animation créée n'est pas mal.
Dans cette même salle, je me
rends compte que certaines vitrines ne sont pas scellées au mur, et tanguent
dangereusement ! Mais on y croise aussi une climatisation en
fonctionnement, hallelujah !
Un four à poterie, avec une section "technique" ; j'aime qu'on prenne le temps de nous expliquer les techniques de création, c'est juste dommage que ce ne soit pas multilingue |
Comme à Tashkent et dans la
plupart des musées ouzbèkes visités pour l’instant (publication à venir…), on
rencontre des gravures « historiques » proposant des reconstitutions
de panoplies guerrières, aux explications malheureusement tout en ouzbèke. Des
photos d’œuvres du British Museum sont présentées à titre de comparaison.
La dernière séquence du musée est
consacrée à une grande mission archéologique menée sur le site par une équipe
franco-ouzbèke en 1992 ; je suppose que j’ai maintenant l’explication des
textes en français sur les panneaux de reconstitution des fresques du palais.
En sortant du musée, en tournant
à droite, on aperçoit un petit portillon ouvrant sur la montagne, pas du tout
fléché ; mon guide de voyage m’informe qu’en empruntant le sentier
derrière ce portail sur un kilomètre, je pourrai découvrir le site
archéologique. Vous me pardonnerez, chers lecteurs, de n’avoir pas été jusque
là sous un soleil de plomb. Voici l’entrée de cet espace archéologique, et son
aridité, qui, je l’espère, vous fera comprendre mon manque d’investigation. Il
est bien dommage que l’accès au site ne soit pas mieux indiqué, et
balisé ; il n’y a aucun chemin praticable, aucune ombre, et on n’est pas
sûr de ce que l’on va trouver (de plus, quand le Lonely Planet vous promet un
kilomètre de marche, on peut tabler sur deux minimum).
En conclusion, un musée agréable,
aux collections très originales et très riches, mais vieillissant ; il est
tout de même en bon état général. Il gagnerait beaucoup à la mise en place
d’une médiation écrite, et à la traduction en anglais et en russe des quelques
cartels développés et textes explicatifs. Une visite que je recommande si de
passage à Samarkand, mais qui mérite peut-être que l’on se documente
préalablement sur les Sogdiens.
Liens utiles :
Un cours en ligne de l'Université de Halle sur les peintures d'Afrosiyob
La référence à Afrosiyob dans le fameux Shahnameh sur l'Encyclopedia Iranica
* Les laughman sont les pâtes
ouzbèkes, largement consommées en soupe pour le déjeuner