Golconde, Golkonda en télougou
dans le texte, dans l’Andhra Pradesh, fut la capitale du royaume de Golkonda
(1364-1512), un des cinq sultanats de la plaine du Deccan. En 1590, suite à une terrible sécheresse, les Qutb
Shahi, qui règnent sur la région, déplacent la capitale de Golconde à
Hyderabad, à 8 kilomètres à l’Est. La ville
est définitivement abandonnée en 1687, avec la conquête de l’empereur moghol
Aurangzeb, à qui elle avait vaillamment résisté pendant huit mois (et encore,
elle ne tomba que suite à une trahison interne).
Son nom de « Fort » est
du à ses enceintes successives ; la plus grande mesure une douzaine de
kilomètres, et enserre le village moderne que le touriste traverse pour se
rendre au monument. Le fort est construit autour d’un promontoire rocheux de
120 mètres de haut, offrant des constructions à flanc de coteau
impressionnantes, mais aussi une vue panoramique sur la région environnante.
L’entrée pour touristes est un
poil chère, à 100 roupies, contre 5 pour les ressortissants indiens.
La logique de la chose est
excellente ; le patrimoine demeure ainsi accessible aux habitants, et tout
au long de nos visites en Inde, nous avons été ravis de constater que les
Indiens fréquentent assidûment leurs musées et leurs monuments. Et aligner le
prix des billets sur les niveaux de vie plus élevés des touristes afin de générer
une source de revenus permettant d’entretenir le patrimoine me semble également
tout à fait justifié. Cependant, le ratio me paraît énorme, et le service bien
minimal pour un tarif aussi élevé (élevé au regard de l’Inde bien sûr, car 100
roupies ça reste très peu converti en euro). D’une part, à ce prix là, on
attend de trouver au moins une copie d’un plan et des toilettes en état de
fonctionnement (dans un parc de plus de ? mètres carrés, ça paraît
légitime). D’autre part, un tarif aussi élevé, nous ne l’avons pour l’instant
rencontré qu’à Hyderabad (à part à Hampi où un billet groupé nous a coûté 250
roupies, mais donnait accès à trois monuments majeurs) ; est-ce dû à une
prise de conscience des services culturels de la ville de la valeur de leur patrimoine,
ou d’une volonté de pouvoir entreprendre des restaurations et assurer leur
conservation ? Espérons que ce choix ne soit pas motivé par l’appât du
gain.
Pour rester dans les
considérations bassement monétaires, pour une fois le droit photographique est
gratuit ; en général, il est interdit de prendre des photos, et quand
c’est autorisé, il faut payer un ticket par appareil-photo (ou par caméra, et
c’est bien plus cher). Ici, prendre des photographies est gratuit, et la
vidéographie est à 20 roupies.
Je me plaignais de l’absence de
plan du site ; peut-être est-ce aussi pour encourager les touristes à
faire appel aux services d’un guide. A l’entrée du fort, toute une armée de
guides assermentés (autorisation suspendue autour du cou) attend d’emmener le
touriste, pour des tours d’une demi-heure (version courte) ou une heure et
demie (version longue). Après visite, où nous avons flâné pendant trois bonnes
heures sans trop y penser, ces visites doivent être très rapides, voire
frustrantes ! Comme dans la plupart des sites où les guides proposent leur
expertise, une première explication est offerte, devant l’antique plan du site,
et on ne les engage que si l’on est satisfait. Etant d’un naturel indépendant,
et armés du plan et des explications de notre Lonely Planet, nous nous
dirigeâmes à l’assaut du Fort de Golconde sans guide.
Dès le début de la visite, une
première curiosité réjouit le touriste, de ces anecdotes dont on se rappellera
toujours quand on aura oublié le nom du monument en question. Du châtelet qui
garde l’entrée du fort (ci-dessus) part tout un réseau de canalisations, dans les murs et
les sols du complexe, qui a été étudié et mis en place pour réverbérer les sons
dans tout l’ensemble, afin d’être immédiatement averti de l’arrivée d’ennemis
ou toute activité suspecte aux portes du fort. Guides et touristes passent donc
tous une dizaine de minutes à taper dans leurs mains sous les voûtes, bien que
les fameuses canalisations soient effondrées, bouchées, ou cassées, depuis de
longues années.
Vue des décors de la porte d'entrée
Passé ce « châtelet »
(le terme n’est peut-être pas approprié, mais je ne suis pas une spécialiste de
l’architecture et ça colle plutôt pas mal !), on rentre enfin dans
l’enceinte du site pour découvrir toute son ampleur. L’ensemble est immense,
très impressionnant, et à perte de vue puisqu’il s’étale sur une colline, et
que l’on est à son pied.
Une partie est restaurée, surtout
autour de l’entrée : certaines élévations sont vraiment en bon état et
laissent entrevoir la splendeur passée, mises en valeur dans de beaux jardins,
d’une verdeur peu naturelle sous le soleil de plomb – 44° le jour de notre
visite. Cependant, la majorité du site est à l’abandon. On note ça et là et les
effets de vieilles campagnes de restauration, les consolidations effectuées
(mais pas toujours finies…), mais aussi l’âge de ces travaux. On dirait que
seuls les éléments majeurs ont bénéficié d’un réel intérêt (hall d’entrée et
bâtiments adjacents, et mosquées) quand le reste était laissé de coté.
Vue sur la droite quand on entre, exemple d'un des bâtiments restaurés et entretenus
Vue de la colline depuis l'entrée du site
Au départ de l’entrée, je vous
dirais bien que plusieurs parcours s’offrent au visiteur, mais ça ne serait pas
entièrement vrai. En effet, un chemin dallé, gris et rouge, serpente à partir
de là et dans le reste du fort, marquant un itinéraire conseillé ;
parfois, il se divise en deux ou trois, pour se reformer plus loin, et propose
ainsi divers chemins. Mais en réalité, le visiteur est totalement libre de se
promener comme bon lui semble. Dès que l’on s’éloigne de ce serpent gris et
rouge, il n’y a plus le moindre chemin, la moindre balise, et on peut explorer
le fort exactement comme on le souhaite ; l’escalade est même
envisageable.
Le fameux "serpent" gris et rouge, et la preuve qu'on ne peut pas forcément lui faire confiance...
Peu d’endroits sont barrés ou
fermés ; les seuls que l’on a notés étaient autour de la cour où est
installé un spectacle son et lumière, on a donc conclu d’après la disposition
des lieux que les salles fermées l’étaient pour protéger le matériel.
La zone son et lumière du site ; beaucoup de monuments proposent un spectacle de ce type, ça a apparemment beaucoup de succès auprès du public indien.
Le résultat est assez
agréable ; il est plaisant de pouvoir se faire son propre trajet, du coup
de manière assez tranquille, puisque le touriste local emprunte peu les chemins
de traverse, mais l’ensemble est un minimum fléché pour ne pas trop risquer de
se perdre.
Exemple de "chemin de traverse" évoqué ci-dessus
Cependant, il n’y a pas assez de
signalétique pour réellement comprendre le site. Le manque de médiation
participe-t-il là aussi d’une volonté d’encourager le travail des guides ?
Dans ce cas, les touristes non-anglophones (hors tamoul, télougou, et autres
langues d’Inde du Sud), sont particulièrement pénalisés.
Le manque de contrôle des
visiteurs résulte également en un vandalisme répandu sur tout le site ;
partout des gravures et des tags dans les murs, malgré les nombreux panneaux
d’interdiction. Il y a trop peu de gardiens pour faire respecter la consigne
sur l’ensemble du site ; les seuls que nous ayons croisés étaient proches
de l’entrée.
La fameuse interdiction...
et ses nombreuses transgressions. En bas à droite, vous ne rêvez pas, c'est de la fumée ; un tas d'ordures en train de brûler, en plein site.
De nombreux bassins et puits émaillent le site ; tous sont d'une saleté confondante, trahissant un gros problème d'entretien.
Un autre inconvénient de cette
« liberté de visite » est dans la sécurité, relativement basse ;
on peut penser que certains des vestiges, dont les consolidations sont fort
anciennes, et fragilisés par le cycle des moussons et des étés très chauds,
sont propices aux éboulements.
Ca commence à s'écrouler ? Pas de panique, un peu de béton par-ci, un peu de béton par-là, et tout tient de nouveau en place !
De plus, de nombreuses zones, en haut de la
colline, proposent des points de vue au-dessus d’à-pics sans aucun parapet.
Ceci dit, la vue est magnifique.
Une grande mosquée (en espérant
ne pas vous dire de bêtises, vu le manque de signalétique sur le site, c’est ce
que j’ai conclu de l’architecture et des quelques informations que j’ai pu
réunir) somme la colline, offrant une vue imprenable sur la plaine, la ville d’Hyderabad,
et la nécropole des rois Qutb Shahi, à 1 kilomètre de là.
La mosquée du sommet
Vue depuis le toit-terrasse de la mosquée sur le reste du site en contrebas, et la mégalopole qui s'étend derrière
Juste en dessous de la mosquée
abandonnée, un temple à Kali, seul bâtiment du site toujours en activité, et
très fréquenté. Sa présence et ses couleurs au milieu de cette ville musulmane désolée
résonne comme un pied de nez à l’envahisseur arrivé de l’Ouest il y a plus d’un
millénaire.
Une des peintures à l'entrée du temple
Pour conclure, un site
magnifique, et incontournable quand on passe à Hyderabad, et dont l’organisation
permet une expérience de visite assez unique et introuvable sur les sites plus
policés d’Europe par exemple. Cependant, il est à déplorer le manque de
sécurité pour le visiteur, mais aussi pour les monuments, copieusement dégradés
par les visiteurs et le manque d’entretien. Le site mériterait une plus ample
médiation, pour une meilleure compréhension (et des plans qui auraient moins de
50 ans).
En bonus, deux photos des belles arcades du Fort, dont on apprécie tellement la fraîcheur par 45 degrés :
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