Le Musée Vivant est toujours
vivant ! Il se promenait en Ecosse et en Angleterre (puis en Espagne et au Maroc...), et après avoir
constaté le triste état du patrimoine indien, c’est un bol d’air frais – très
frais. Aujourd’hui, nous nous envolons donc pour Aberdeen, et son Tolbooth Museum.
Le donjon de gauche abrite le Tolbooth Museum |
Première précision ; qu’est
ce qu’un tolbooth ? Avant de mettre les pieds en Ecosse, j’avais beau
parler anglais, je n’avais jamais entendu ce mot. On le rencontre pourtant dans
quasiment toutes les villes ; il s’agit d’une sorte de donjon, où sont
gardés les prisonniers avant le jugement. Il est souvent couplé à l’hôtel de
ville, et reconverti en musée ces dernières décennies.
L'entrée des salles d'exposition, ou l'hospitalité écossaise |
Celui d’Aberdeen ne fait pas
exception. Et nous avons eu la chance de le visiter juste avant la fermeture
saisonnière, car dans le nord de l’Ecosse, une fois l’été fini, on ferme tout.
Enfin presque. En tout cas ne vous attendez pas à le trouver ouvert si vous
passez à Aberdeen hors saison touristique.
Sis sur la grosse artère de la
ville, Castle Street, à deux pas de la Mercat Cross, dans un bel ensemble architectural avec l’hôtel de ville
voisin, et le palais de la Salvation Army de l’autre coté de la place, on
croirait à un grand délire néo-gothique. Que nenni, le bâtiment a tout de même
quatre siècles, malgré son apparence très médiévalo-rocambolesque (j’adore ces
architectures qu’on ne trouve qu’au Royaume-Uni !).
A l’entrée, l’accueil est aussi
sympathique que dans la plupart des musées et monuments que nous visiterons
durant notre séjour ; le personnel est le plus souvent agréable,
professionnel et accueillant, et dispose de brochures en français (ou autres
langues étrangères).
C’est par un tout petit escalier
qu’on accède aux salles ; le personnel à l’entrée s’excuse d’ailleurs à
plat ventre de l’absence d’accessibilité aux handicapés, mais il s’agit d’un
monument historique, qu’on ne peut pas adapter… C’est gentiment expliqué, alors
on les pardonne. Et franchement, quand on monte, on comprend que le bâtiment ne
peut pas être équipé d’un ascenseur. On circule entre des petites salles, très
sombres, toutes à un niveau différent, donc reliées par des volées de marches
plus ou moins hautes, et le deuxième étage est accessible par un escalier
tellement étroit que… j’ai cru qu’une visiteuse qui était là en même temps que
nous allait y rester coincée.
Ces contraintes inhérentes à la
muséification d’un monument ancien n’empêchent pas le musée d’être équipé d’une
lumière douce, de panneaux d’exposition rétro-éclairés de qualité, de
détecteurs de fumée (préoccupation britannique majeure), d’alarmes, de caméras…
tout en conservant les anciennes portes de geôles, chargées de larges ferrures
et de lourds cadenas.
Tout cela est bien gentil (quoique ?), mais
que renferme donc le Tolbooth Museum ? Il abrite le musée d’histoire de la
ville d’Aberdeen, de sa fondation antique à l’ère moderne, et des collections
de criminologie, liées à l’histoire du bâtiment lui-même.
Dans la première salle, une
grande maquette (un poil kitsch, mais qui fait son office) donne une idée du
passé glorieux d’Aberdeen. Inspirée de la carte de Parson Gordon, elle montre le développement médiéval de la ville, avant le percement des grandes artères modernes.
S’ajoutent à l’exposition permanente du musée des
panneaux expliquant les rôles de chaque salle et reprenant l’histoire du
bâtiment. Des maquettes et des vues en coupe viennent en renfort, créant un
ensemble très didactique et clair. Une belle réussite au regard de la complexité de la structure du bâtiment.
Une des salles, consacrée au rôle
des baillis, les administrateurs de la ville, dispose de belles collections,
dans une atmosphère contrôlée. Les costumes sont présentés sur des mannequins
parfaitement adaptés à leur usage, les cartels sont développés. Une bande-son
explicative s’enclenche par détecteur de mouvement ; elle est
malheureusement un peu complexe pour nous, pauvres français, mais
l’installation est belle et complète.
"Climb the stairs to the cell", une invitation qui ne se refuse pas |
A l’étage, une exposition,
répondant au charmant nom de « Punishment », regroupe les collections
liées au crime du musée. On accède à une cellule par un minuscule escalier très
raide (que je cite plus haut), où on est accueilli par le mannequin d’une
prisonnière dépenaillée et enchaînée. La scène sent les années 80, mais l’effet
de surprise est très efficace, et va très bien avec l’atmosphère du lieu.
Sur la droite, on aperçoit Unlucky Mary, enchaînée ici depuis bien trop longtemps, et qui m'a légèrement fait sursauter en entrant |
Bah alors ma grande, on a l'air un peu dépitée non ? |
Sur un des murs de la salle sont projetées des copies de registres de prisonniers, comprenant les délits ou crimes commis et les peines endurées |
Une section est consacrée à la chasse aux sorcières. Ci-dessus, un casque qui permettait de les empêcher de lancer des sorts verbaux. Miam. |
Les guillotines, ou "pourquoi on a aboli la peine de mort". |
Dans cette petite salle, on
trouve des objets liés à la vie en prison, et des textes narratifs sur
différents prisonniers ayant séjourné ici. Le mur du fond est couvert par une
liste de noms de prisonniers.
Une deuxième salle est consacrée
aux prisonniers jacobites*. Une petite cellule, très sombre, à la désagréable
odeur de poussière et de renfermé, abrite trois mannequins glauques figurant
des prisonniers capturés après la bataille de Culloden. Quand on entre dans la
salle, on déclenche un détecteur de mouvement, qui allume un vidéo-projecteur,
qui « réveille » un des mannequins. L’effet de surprise est là aussi
saisissant ; on ne s’y attend pas, on regarde d’un air sceptique trois
mannequins poussiéreux, et tout d’un coup l’un fronce les sourcils, et se met à
nous regarder ; il entonne ensuite d’une voix fatiguée – à l’accent so
scot ! – une litanie sur leur triste histoire, et la fin sordide qui les
attend. On est dans le sensationnel, dans le spectacle, mais le dispositif
marche très bien. Par contre, ne vous approchez pas trop, l’alarme est très
sensible…
Le mannequin de droite à la face spectrale est celui qui s'anime |
Une dernière salle à cet étage
retrace les évasions célèbres de la prison ; parmi les plus marquantes, un
prisonnier qui arrive à saouler ses gardiens avant de prendre la poudre
d’escampette, ou un autre qui s’évade caché dans une malle, que les femmes de
sa famille avaient réussi à faire rentrer dans le Tolbooth…
Ces dernières salles sont
révélatrices d’un trait que nous allions observer dans les semaines à venir en
Ecosse puis en Angleterre : le goût pour l’anecdote. Musées et monuments
regorgent de petites histoires, de détails amusants, qui nous les rendent plus
faciles à s’approprier, et que l’on retient plus surement que les dates de
fondation d’une abbaye ou la généalogie du seigneur local. Si parfois on verse
dans le trop anecdotique, quand la petite histoire supplante la grande, au
Tolbooth d’Aberdeen, c’est un juste milieu agréable, pour une visite
sympathique.
Liens utiles :
Le Tolbooth Museum sur le site de la ville d'Aberdeen
* Pour mémoire, la révolte
jacobite est un mouvement de rébellion écossais entre 1688 et 1746.
Initialement, il vise à ramener sur le trône Jacques Stuart VII d’Ecosse et II
d’Angleterre, fils de Charles Ier, et dernier monarque catholique de
Grande-Bretagne. Il meurt en 1701 à Saint-Germain-en-Laye, sans être restauré.
Les Jacobites trouvent un nouveau leader en Bonnie Prince Charlie, dernier
descendant des Stuart, élevé en France, qui réveille le mouvement populaire en
1745. Il est défait en 1746, à la fameuse bataille de Culloden.
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