Kaléidoscope de musées et monuments de par le monde, entre muséologie comparée et tourisme iconographique.

dimanche 19 janvier 2014

Musée des textiles et des costumes de la reine Sirikit, Palais Royal, Bangkok, Thaïlande

Inclus dans la visite du palais royal, 500 baht (environ 15$). Photographie interdite (et une armée de gardiens patibulaires y veille).
Oups ! La photographie étant interdite, les photos de l'intérieur du musée ont été prises... hum... discrètement. Elles ne sont donc pas très bien cadrées... merci de votre indulgence !
L'entrée du musée
Le musée, tout neuf, vient d’ouvrir. Il est entièrement climatisé, et les capteurs répartis dans tout le musée indiquent une température moyenne de 22°5 et une hygrométrie entre 52 et 54%.
Le rez-de-chaussée abrite un grand hall, avec la billetterie, les contrôles de sécurité, des toilettes, un auditorium, une bibliothèque et une grande boutique, très belle, mais très chère pour les standards thaïlandais.

Le hall, depuis l'escalier d'accès aux collections permanentes
 Les collections permanentes se situent à l’étage, auquel on accède par un bel escalier à double volée.
Dans les salles d’exposition, toute la lumière est artificielle, et assez douce dans les salles de costumes. Les mannequins et le mobilier sont adaptés à leur fonction et offrent tout le soutien nécessaire à l’exposition de textiles.
Les vitrines abritant les costumes sont un peu étranges : de loin, elles semblent floues, et en s’approchant on découvre les expôts, la transparence de la vitre dépendant de l’angle sous lequel on regarde la vitrine. 

Les vitrines mi-floues mi-raisin de la première salle
 La première salle expose exclusivement des tenues de la reine (et une chemise du roi) Sirikit, dont le musée tient son nom. Les tenues sont variées : tailleurs très occidentaux, robes de soirée à plumes, chemises plus sobres… La plupart sont griffées Balmain, et on nous explique qu’elles sont faites de textiles issus de l’association SUPPORT, un organisme caritatif fondé par la reine il y a plusieurs décennies pour perpétuer et promouvoir les traditions textiles thaïlandaises et offrir un revenu aux femmes.
Chaque costume est accompagné d’une tablette vidéo sur laquelle défilent le cartel développé (titre, date de création, créateur, évènement) et une photographie de la tenue portée par la reine. Toutes les explications sont bilingues thailandais-anglais.
On trouve des sièges un peu partout pour s’asseoir et admirer les collections, qui sont très belles.

La deuxième salle commence par une introduction au costume thaïlandais traditionnel. Il est expliqué qu’un décret passé en 1941 obligea la population à adopter des tenues occidentales ; suite à cette « acculturation », la royauté a vu la nécessité de créer un costume traditionnel, symbole de l’identité siamoise.
Une petite salle sur le coté diffuse des diapositives de photographies XIXe afin d’admirer les costumes d’avant le décret ; dans la salle principale, une télé diffuse une animation de sept minutes expliquant la création et le pliage afin de composer un sabai, un phaa nung et un shong krabon (haut rappelant le sari, pantalon drapé, et robe).
C’est dans cette zone que sont exposés les tissus les plus anciens, des phaa nung datant du XIXe siècle (en anglais « hip wrapper »), les pantalons drapés issus des collections royales. Est développée une réflexion sur le rôle du costume dans l’identité nationale, sa construction par les monarques, et son développement au XXe siècle. 

Une vitrine de tissus anciens
 S’ajoutent à l’exposition des panneaux explicatifs sur les techniques de conservation modernes mises en place dans le musée (par exemple la congélation des costumes et un système de quarantaine afin d’éviter une peste animale, ou la présence de capteurs atmosphériques qui réalisent des relevés minute par minute).
Dès l’entrée de cette deuxième salle, on est accueilli par une grande photographie de la reine en robe thaïe en 1965 dans le magazine Vogue. Les textes sont clairement de parti pris, la souveraine étant célébrée pour son élégance, et présentée comme la première femme asiatique à figurer dans Vogue et à être reconnue à l’international comme un modèle de beauté.
La deuxième partie de la salle présente de nouveau des costumes de la reine, mais uniquement des variations sur la robe thaïe décrite précédemment. Cette fois-ci, pas de tablettes individuelles, mais une tablette par vitrine, et chaque robe est accompagnée d’un cartel développé. Au fond, sur un grand écran, défilent des photographies du couple royal, dans un ordre chronologique, qui présentent cinquante ans d’élégance.

Photographie du Vogue de février 1965, trouvée sur pinterest
 En passant dans la troisième salle, on change d’ambiance ; plus de lumière, moins d’expôts. Une première section est consacrée aux déplacements de la reine dans le pays, à sa vie, son implication dans les bonnes œuvres… Il y a beaucoup de films, de photographies, de sons (diffusés de manière directionnelle, donc il n’y a pas de cacophonie).
L’espace est compartimenté par de grandes parois de verre striées de fils de couleur, rappelant de grands métiers à tisser.
La deuxième partie de la salle présente un film sur les techniques de création textile, différents échantillons de tissus traditionnels sous vitrine, et tout un pan de mur est dévolu à des « hands-on exhibits » : écheveaux de soie naturelle, traitée chimiquement, traitée naturellement, les différentes teintures… on peut toucher et comparer les différentes fibres. L’ensemble est très didactique, mais les écheveaux ont déjà commencé à souffrir ; l’effet général est bien, mais combien de temps va-t-il durer ? Le musée est tout neuf ; dans quel état sera cet atelier dans six mois ? 

Les écheveaux de soie à toucher

Patchwork et vidéo explicative
La quatrième et dernière salle expose de nouveau des costumes de la reine, dans une vitrine centrale, mais dans un registre plus « décontracté » (si tant est qu’une reine puisse s’habiller casual…) : tenues d’intérieur, vêtements de sport… Dans les vitrines latérales, des textiles traditionnels décorés selon différentes techniques. Une vitrine présente notamment la broderie à base d’ailes de scarabées, assez impressionnante.

Les ailes de scarabée accrochées sur des fils de nylon autour de la veste créent un joli jeu de lumière
 En sortant des salles d’exposition, avant de se diriger vers la sortie, un panneau présente l’histoire du bâtiment qui abrite le musée, le Ratsadakorn-Bhibhatana Building, palais néo-classique de style « italien », construit dans les années 1870 après la destruction de l’édifice à usage militaire qui l’a précédé.  

Liens utiles :
La biographie de la reine Sirikit (attention les yeux)
Le palais royal de Bangkok

jeudi 9 janvier 2014

Musée National d'Histoire Vietnamienne, Ha Noi, Vietnam



20.000 dongs par personne (1$), 15.000 dongs pour le droit photographique
Le musée a plusieurs entrées, on ne sait pas trop par où on entre ; la billetterie est à l’entrée du parking, par où on pénètre dans les jardins du musée. Les plans ne sont pas très clairs (comme à la Citadelle de Ha Noi).
Les jardins sont agréables, avec des bancs à l’ombre de grands banians, une terrasse de café. Des copies de sculpture classique vietnamienne répondent aux collections à l’intérieur du musée. 


En passant par l'entrée coté opéra
Le plan à coté de la billetterie
Les jardins du musée
 Une fois trouvée l’entrée du musée, on passe un contrôle de sécurité, et on laisse les sacs dans des consignes gratuites.


Le musée s’organise autour d’un grand hall, assez beau, qui ouvre sur les différents départements selon un plan en croix : à droite, la préhistoire, à gauche, l’exposition temporaire, en face, la section dévolue à la période courant de la fondation du pays à la dynastie Tran.
Les panneaux sont trilingues : vietnamien/anglais/français.

Rez-de-chaussée

L’exposition temporaire : Histoire de la bijouterie au Vietnam, de la préhistoire à la dynastie Nguyen

 
Epingle à cheveux en forme de phénix portant une lanterne, Dynastie Nguyen, XVIIIe siècle, or.

Vue de l'intérieur de l'exposition.
L’ambiance lumineuse est douce, agréable, et entretient un coté "trésor mystérieux"

L’exposition est bilingue, vietnamien/anglais, et dispose de cartels développés.
A l’entrée de l’exposition, une borne multimédia permet de naviguer dans les photographies des objets exposés. Je commence par douter de son intérêt puisqu’elle ne présente que des objets de la salle adjacente, et rien de plus ; je me rends ensuite compte qu’il s’agit de très petits objets, et que cet outil est en fait très intéressant pour les explorer en zoom. De plus, l’ordinateur fournit des cartels plus détaillés.


Vue d'une perle ancienne magnifiée sur la borne multimédia
La même perle que sur le cliché précédent, vue dans sa vitrine
A l’intérieur, les objets sont disposés selon un classement par matériau (pierre, métal…) ou forme (bracelet, collier…). J’ai un coup de cœur pour la couronne champa XVII-XVIIIe siècle, et la reconstitution d’une couronne XIXe-XXe.

Couronne, Culture champa, XVIIe-XVIIIe siècle, or.

Couronne (restauration), Dynastie Nguyen, XIXe-XXe siècle, or, pierres précieuses et textiles.
 Les objets sont présentés sur des socles transparents permettant une mise en scène aérienne légère. On trouve plusieurs chouettes dispositifs, comme une loupe pour admirer les détails d’une perle ancienne, ou le rétro-éclairage d’une tiare en filigrane, mettant en valeur la finesse de son travail. Par contre, certaines vitrines sont tapissées de grosse laine beige/écrue, à l’ancienne, qui doivent être de supers nids à poussière et tampons à humidité. 

 
Département 1 : La préhistoire



J’irai assez vite sur cette section, puisqu’elle n’a pas grand-chose de particulier. La présentation est un poil vieillotte et très classique des musées préhistoriques, avec ses typologies de silex, ses reproductions de crânes de nos lointains ancêtres, et ses dioramas à base de mannequins habillés de peaux de bêtes.
Pour ce qui est des collections, on note les beaux pétroglyphes vietnamiens, présentés à travers des moulages et des photographies, et situés sur une carte des sites archéologiques du pays. Je remarque également que sont exposés des restes humains.

Département 2 : De la fondation du pays à la dynastie Tran






A l’entrée, un plan de l’aile décrit le parcours de visite conseillé. Heureusement, car le département s’étale en une très longue salle, plus ou moins divisée en deux galeries par des cloisons intermittentes, dans lesquels la chronologie est parfois confuse.

Sécurité, quand tu nous tiens
La première période décrite se déroule de 2000 à 2500 Before Present ; les dates sont parfois notées avant ou après Jésus-Christ, ou souvent manquantes. La chronologie n’est pas toujours très claire.
La présentation est relativement classique ; dans de grandes vitrines beiges s’empilent des photographies de sites archéologiques, des pointes de flèches, des bronzes…

Les objets emblématiques de la période Dong,Son utilisés maintenant comme symboles de l’identité vietnamienne, sont les tambours éponymes. De grande taille, on trouve également des reproductions miniatures utilisées dans le contexte funéraire. Ce sont des objets rituels de pouvoir. Les plus grands font 80 cm de haut ; ils sont ornés de gravures, représentant par exemple les scènes de la vie quotidienne, des motifs solaires ou géométriques, ou d’animaux en ronde-bosse.
L’architecture du musée répond parfois aux collections, comme ici, avec ce gros pilier au centre des tambours Dong Son, recouvert de motifs traditionnels stylisés. 

Les tambours Dong Son

Tambours miniatures à usage funéraire, Culture Dong Son, 2000 à 2500 B.P., bronze. Ces versions miniatures répondent aux tambours monumentaux qui peuvent mesurer jusqu'à 1m20 de haut.



Une vitrine renferme une tombe très impressionnante, avec son cercueil de 4m50 de long, garni de 107 objets, datée de 2500 BP. 

On croise des ventilateurs allumés et des bornes multimédia éteintes.
La seconde période concerne les années -207 à 938 ; les titres de séquences ne sont pas toujours traduits, et l’on ne lit que les dates.
La chronologie demeure assez floue.
Les collections sont ici riches en beaux bronzes funéraires, dont des tambours. On trouve également des maquettes de stupa en terre cuite du Xe siècle, de la décoration monumentale en terre cuite, une production de petites céramiques rappelant les Tanagra et de la très belle sculpture de pierre du Xe au XIIe siècle. Mais aussi une "superbe" maquette en trois dimensions représentant la bataille décisive de la rivière Bach Dang qui se déroula en 938.
Trépied, IIe-IIIe siècle, céramique, usage funéraire.
Modèles de stupas, Dynastie Lë, Xe siècle, céramique, Citadelle de Thang Long. Objets de culte.

La maquette de bataille est un grand classique du musée vietnamien
Kinnara (chanteuse céleste), Dynastie Lë, 1057, pierre, pagode de Phat Tich, Bac Ninh, décoration architecturale.
 Enfin, la dynastie Tran (1225-1400) clôt le département.

Vue de la salle dédiée à la dynastie Tran
Nuage, dynastie Tran, XIIIe-XIVe siècle, céramique, décoration architecturale
L'enfant Bouddha naissant du lotus, Dynasties Tran-Ho, XIVe-XVe siècle, bois laqué et doré.
 De très belles collections, mais on déplore un manque d’explications en anglais ou en français.

Premier étage
L’étage est divisé entre une grande galerie, consacrée aux dynasties Ho à Nguyen, et une grande rotonde dévolue à la sculpture Champa et à une galerie d’exposition temporaire.

En arrivant à l'étage, un espace de repos ; à droite, la rotonde champa, à gauche, la suite chronologique de l'exposition permanente
 Département 3 : De la dynastie Ho à la dynastie Nguyen

 
Les collections sont très hétéroclites : numismatique, décoration monumentale, vaisselle, sceaux…


Sont exposées ici aussi des reproductions (comme dans l’exposition temporaire), cette fois de sculpture. 

On est accueillis dès l'entrée par une reproduction, celle de la stèle de Vinh Long
Même si c'est une copie, on ne touche pas !

On se plaint du manque d'informations, mais on a parfois des cartels développés trilingues, y compris le français !
Tête de phénix, Dynasties Tran-Ho, XIVe-XVe siècles, terre cuite. Décoration architecturale.
Thuyen, maquette représentant l'esprit du bateau, Dynastie Lë restaurée, XVIIe-XVIIIe siècle, bois laqué et doré, pagode de Keo, province de Thai Binh.
Au centre de la galerie, une des stars du département

Avalokiteshvara à mille bras, 1656, 3,7 x 2,1m, bois doré et laqué, par Truong. Pagode But Thap, province de Bac Ninh.

Le superbe Avalokiteshvara a tendance à éclipser ses voisins ; ainsi, dans la vitrine d'à coté, mal éclairé, on remarque à peine un superbe Mahaparinirvana Bouddha du XVIIe siècle en bois noir.
 En fait, dans la sculpture des XVIIe et XVIIIe siècles, on ne voit que des chefs d’œuvre.
On observe également une intéressante persistance des formes dans les objets rituels au fil des siècles : tambours, stupas, lions…
Les mises en scène sont travaillées, par exemple avec la disposition des collections liturgiques comme sur un autel de temple, ou l’accrochage des cloches.

Carillon, Dynastie Lë restaurée, 1772, bronze, Pagode de Vien Quang, Ha Nam.
 Le musée est bien entretenu, et on voit du personnel intervenir pour des menus travaux (nettoyer les pales des ventilateurs de plafonds ! étonnant, non ?), comme au musée archéologique de la Citadelle. Par contre, personne n’empêche de sévir un photographieur fou avec flash à gogo sur le superbe Avalokiteshvara en bois…
Quelques photographies qui illustrent la variété des collections :

Gardien de tombe à trois têtes, Dynastie Nguyen, fin XIXe-début XXe siècle, céramique glaçurée
Robes de mandarin, Dynastie Nguyen, XIXe siècle, tissu brodé

Fouet, Dynastie Nguyen, XXe siècle,vertèbres de raie manta et cuir
Nécessaire à opium, Dynastie Nguyen, XXe siècle, Bois, métal et porcelaine
  Enfin, une dernière salle est allouée aux révolutionnaires des années 30 contre les colonialistes français. Elle se conclue sur une grande peinture « historique » représentant la proclamation de l’indépendance en 1945.

Devant la "fresque", une affiche originale de la déclaration d'indépendance
La Rotonde Champa



La présentation est simple, les statues de pierre sont posées sur des socles roses, les petites pièces dans des vitrines claires. Elles sont regroupées par iconographie (Siva, Uma, les lions, les statues bouddhistes…). Quelques informations sur le royaume du Champa sont fournies par des panneaux : carte du Vietnam avec les différents sites, relevés archéologiques, plan en coupe d’un temple, photographies de sites…


Eléphants, mi-Xe siècle, grès, province de Quang Nam

Garuda combattant le naga, XIIe-XIIIe siècle, grès, province de Binh Dinh. Garuda et le naga étant des ennemis héréditaires, leur association est symbole de paix et d'unité.
 Galerie d’exposition temporaire : objets de la culture Oc Eo – Phu Nam



Cette exposition temporaire montre des objets d’une culture sud-vietnamienne qui fut active du Ve siècle avant notre ère au Xe siècle après.
Au sol, à l’entrée de la galerie, se déploie une carte du territoire concerné.
La salle est très sombre, éclairée par des spots qui font des coups de lumière sur les collections. C’est assez efficace.

Vishnu, VIIe-IXe siècle, pierre.
 Au centre de la galerie sont disposées de grandes sculptures de bois des quatrième au septième siècles, chacune abritée par une vitrine équipée d’un hygromètre et d’un thermomètre. Les taux relevés ne sont pas les mêmes dans les vitrines ; est-ce voulu ? Les vitrines n’ont pas l’air totalement jointives. 

Bouddha, IV-VIe siècle, bois

Dans la vitrine du même Bouddha
Dans les vitrines latérales, on trouve des céramiques, des bijoux, des statuettes. Certains cartels manquent ; ceux présents sont bilingues vietnamien/anglais, et minimalistes.
Entre les vitrines, on trouve des bornes multimédia éteintes, et des panneaux avec quelques explications thématiques (la poterie, les bijoux…) ou des photographies d’œuvres conservées ailleurs (un Ganesha conservé à Ho-Chi-Minh-Ville par exemple). 
Pièces de monnaie, IIIe-VIIIe siècles, métal
Un des panneaux explicatifs, sur les statuettes bouddhistes et hindoues
 Liens utiles :
Le site officiel du musée, en français
Une chronologie résumée de l'histoire vietnamienne