Kaléidoscope de musées et monuments de par le monde, entre muséologie comparée et tourisme iconographique.

mardi 15 novembre 2016

Museu Nacional Soares Dos Reis, Oporto, Portugal

Ouvert du mercredi au dimanche de 10h à 18h, le mardi de 12h à 18h. Entrée 5€, réductions pour les étudiants, gratuité le premier dimanche du mois.
Visité le 4 septembre 2016 en 2 heures.
L'accueil du musée
Le Museu Nacional Soares Dos Reis est le musée de Beaux-arts de la ville de Porto. Il est installé dans un palais néo-classique de la fin du XVIIIe siècle, dit Palacio dos Carrancas, qui abrita la riche famille Moraes et Castro et sa manufacture d’ornementations en or et argent, avant de recevoir en 1942 les collections municipales. D’importants travaux de modernisation et de rénovation eurent lieu dans les années 1990 afin de garantir un meilleur cadre muséologique et une accessibilité à tout le bâtiment pour les visiteurs handicapés. Ces travaux permirent également de réunir sous le même toit les collections d’arts décoratifs.

L'accès aux étages et aux collections
En pénétrant dans le musée, on est d’abord charmé par la beauté classique de ce palais, sa cour aux azulejos traditionnels et sa superbe cage d’escalier. Le personnel est souriant, polyglotte et accueillant. Des casiers gratuits en libre service permettent d’améliorer le confort de visite.

En pénétrant dans les espaces d’exposition, on note tout de suite que la modernisation des lieux n’est pas allée jusqu’à remplacer les anciennes huisseries par un double vitrage plus performant énergétiquement. Et si on se voit distribuée une brochure-plan du musée en anglais à la billetterie, les textes de présentation des départements sont tout en portugais. Dans la première partie du musée, à l’aspect plus neuf, les cartels sont bilingues portugais/anglais ; ils incluent des informations techniques, ce qui n’est jamais pour nous déplaire, et le numéro d’inventaire.
L'entrée du département de beaux-arts et son texte de présentation
        
La même salle vue sous un autre angle et ses installations de sureté
Les premières salles proposent des œuvres romantiques et réalistes du début du XIXe siècle. Les tableaux sont groupés par thématique : portrait, scène de genre, peinture d’histoire… La collection comporte beaucoup de portraits.
La première salle de peinture
Tout d'un coup, une nature morte est particulièrement mise en exergue, dans une position centrale ; pourquoi ? Est-ce un tableau célèbre ? L’exposition souffre d’un manque d’explication. Une deuxième nature morte est accrochée sur un coté de la salle. Y a-t-il u manque d’œuvres de ce type pour faire une présentation plus fluide ? Le rendu est assez étrange, d’autant qu’elle nous fait faire un bond dans le temps, jusqu’au siècle suivant.

 

Après deux salles à dominantes de portrait, on pénètre dans une salle de peinture d’histoire. On y remarque d’intéressants portraits à la gouache sur ivoire.
La petite vitrine de peinture sur ivoire
Un des plus beaux tableaux de cette première partie du département
Et son cartel...
N’étant pas fins connaisseurs de l’art  portugais, nous sommes un peu perdus dans ces premières salles. Peut-être une meilleure mise en valeur des noms des artistes permettrait une lecture plus claire.
            Nous finissons par remarquer un ingénieux choix muséographique ; les autoportraits sont mis en valeur sur des cimaises en bois, par rapport aux cimaises peintes qui supportent les autres tableaux.
L'autoportrait est bien différencié des autres portraits par son accrochage
Bravo pour l'accessibilité !
Nous avons noté plus haut l’absence de double de vitrage ; nous ne remarquons de toute façon aucun contrôle atmosphérique. Les fenêtres et les portes sont ouvertes sur l’extérieur. Des radiateurs sont installés pour la saison froide. Il y a de nombreuses prises électriques dans les salles, peut-être pour permettre le branchement de déshumidificateurs volants ? On note la rareté des dispositifs de mise à distance. Des stores aux fenêtres bloquent la lumière naturelle directe. Des caméras et des détecteurs de mouvement et des dispositions anti-incendie assurent sécurité et sûreté du bâtiment.
Déjà des petits soucis dans les salles rénovées
            Passons aux salles suivantes qui nous emmènent plus avant dans le XIXe siècle. Dans la première, nous abordons le développement du genre du paysage, à travers l’œuvre de Silva Porto, qui voyage notamment en Normandie, en Belgique et à Fontainebleau. Dans la seconde, consacrée à la seconde moitié du XIXe siècle, sont mêlés portraits, paysages, peinture d’histoire, scènes de genre, et même un bronze.

La salle Silva Porto

Un des nombreux paysages de Silva Porto
Et son cartel
            Nous arrivons d’ailleurs à la sculpture, par une première petite salle, aux murs délabrés par l’humidité, qui abrite un marbre tout seul. Aucun texte n’explique cette mise en exergue, mais le cartel nous apprend le nom du sculpteur : Antonio Soares Dos Reis.

En pénétrant dans la galerie éponyme, nous en apprenons plus sur l’artiste qui donna son nom au musée de Beaux arts de la ville. Cette galerie vitrée qui donne sur le jardin, pourvue de confortables fauteuils pour une petite pause au milieu de la visite, expose quelques objets personnels du sculpteur, des plâtres d’études, quelques moulages sur nature qui nourrissaient son processus créatif, et un grand bronze.
La galerie Antonio Soares Dos Reis
Au milieu de la galerie, on accède à une deuxième grande salle abritant ses marbres et ses bronzes de tailles plus conséquentes.
Les grandes pièces de Soares Dos Reis
Le superbe Exil en marbre
Et son cartel
Cette salle ouvre sur un grand espace d’exposition temporaire, tout neuf, accessible par une longue rampe. Notre connaissance du portugais étant assez limitée, nous avons pu nous tromper, mais il s’agirait de l’exposition collective de fin d’année des étudiants de l’école de Beaux-arts de la ville, dans la plus part tradition du musée de Beaux-arts du XIXe siècle ; édifier les apprentis artistes, et leur offrir à leur tour visibilité. Cependant, on déplore l’absence de texte de présentation et de cartels bilingues. Les œuvres, tailles et media sont très variés, mais on suppose que ces derniers offrent un genre de cohérence à la disposition des expôts.
L'espace d'exposition temporaire et sa rampe d'accès
             Ressortons maintenant de la salle d’exposition temporaire et traversons les deux salles consacrées à Suares de Dos Reis, pour rejoindre le parcours initial et la peinture de la seconde moitié du XIXe siècle, plus particulièrement le paysage et la scène de genre. Là, nous trébuchons sur des écuelles d’eau posées sur le sol du musée ! S’agit il d’une tentative d’humidification de l’atmosphère ? Nous n’avons pourtant observé jusque là aucun capteur hygrométrique.
Un "humidificateur" qui ne répond pas vraiment aux standards de sécurité de la conservation préventive
Vue plus large de la même salle
Dans une première salle, on découvre les œuvres de Henrique Pousao. Certaines de ses œuvres ont été victimes d’une campagne de réencadrement moderne, en bois brut très large, qui mange la toile plus qu’il ne la valorise - à notre goût en tout cas.
Les petites toiles d'Henrique Pousao
La salle suivante expose les œuvres de Sousa Pinto et Aurelia de Sousa. L’autoportrait de cette dernière est d’ailleurs le premier que nous voyons qui n’ait pas sa cimaise en bois qui le distingue au premier coup d’œil des autres portraits.
La salle Pinto-De Sousa, organisée autour de l'hypnotique Autoportrait d'Aurelia de Sousa
Nous nous attendions à voir plus d’œuvres de cette grande artiste, mais il s’agit de quelques petits formats, essentiellement de la peinture d’histoire ou religieuse de facture assez originale.
Les toiles bibliques d'Aurelia de Sousa
Et leurs cartels
Quelques autres artistes complètent la salle, comme Artur Loureiro et son Portrait d’un roi australien, qui, en sa qualité de nouvelle acquisition dispose d’un cartel développé. L’autoportrait de Loureiro n’a pas non plus de cimaise distinctive ; nous en concluons qu’il s’agit d’une nouveauté, tout comme les cartels bilingues, qui n’a pour l’instant été installée que dans la première moitié du département de peinture.

Dans le couloir suivant, un humidificateur mobile plus orthodoxe
Une salle dédiée à la mission éducative du musée
Nous pénétrons maintenant dans les trois dernières salles consacrées à la peinture et la sculpture de la première moitié du XXe siècle, exposant divers peintres dont Jorge de Oliveira, et un premier texte explicatif consacré à la salle !
La première salle d'art moderne
 

 

Toute une page d'explications consacrée à la salle ! Mais tout en portugais...
Dans la toute dernière salle de l’étage, nous passons abruptement aux arts décoratifs avec une petite touche d’histoire du bâtiment et de la fabrique de passementerie qu’il abrita. Malheureusement, il s’agit surtout de texte, entièrement en portugais, donc nous ne nous y attardons pas.
 
Ces grands panneaux en font la salle la mieux pourvue en textes de tout le musée, mais encore une fois, uniquement dans l'idiome national
            En reprenant le bel escalier néoclassique, nous montons au deuxième étage pour visiter l’exposition permanente d’arts décoratifs. Cage d’escalier et palier abritent des œuvres contemporaines de manière temporaire, dont une impressionnante sculpture équestre en gaffer et matériaux recyclés. Malheureusement, encore une fois, les explications sont en portugais uniquement.


            Dans de grandes salles joliment restaurées, aux parquets massifs et aux peintures murales néoclassiques, se déploient de riches collections de céramique, de meubles et d’orfèvrerie, disposées par technique. Le sens de visite ne nous paraît pas évident au premier abord ; en même temps, a-t-on réellement besoin d’un parcours guidé dans une collection d’arts décoratifs, d’autant plus en l’absence de textes et de scénario clair ?
Les céramiques sont groupées géographiquement et chronologiquement
Les belles salles d'arts décoratifs rappellent le passé glorieux du bâtiment

 

Les collections sont très éclectiques

En tout cas, les salles sont mieux conservées et mises en valeur qu’à l’étage des beaux-arts. Les collections comprennent notamment de belles céramiques chinoises et deux portraits de Clouet, et une galerie aveugle comportant de belles pièces d’orfèvrerie.

A noter que les Clouet sont exposés dans le département d'Arts décoratifs et non à l'étage des Beaux-arts
La salle consacrée à l'orfèvrerie
La galerie de verrerie
Dans cette dernière, les expôts sont réunis par formes et fonctions et pourvus de cartels groupés, encore une fois tout en portugais, et très difficiles à relier aux bons objets. Notons encore une galerie de verrerie et une vitrine de pièces archéologiques.
Nous avions déjà constaté la rareté des dispositifs de mise à distance ; nous observons ici des chaises, identifiées comme expôts par des cartels, mais sans aucun panneau d’interdiction de s’asseoir. Les meubles sont juste légèrement surélevés par des cales pour signaler leur appartenance aux collections. 

Nous voyons d’ailleurs une maman montrer allègrement le bon exemple *hum* à sa fille en l’invitant à tripoter un cabinet marqueté du XVIIIe siècle, confortée par le peu de gardiens présents dans les salles. Nous finissons par dénicher un petit panneau « ne pas toucher » (seulement en portugais pour s’accorder au reste du musée) sur un instrument de musique. A cet étage, nous croisons aussi deux brumisateurs, mais toujours pas de capteurs thermiques ou hygrométriques.
Les instruments de musique en question
Et enfin, une consigne claire et nette !
Avant de quitter le musée, nous pouvons retourner au rez-de-chaussée profiter d’un café et d’un pastel de nata sur l’agréable terrasse installée dans le jardin. Une grande boutique propose livres, reproductions et objets d’art.
           
Le patio du palais, qui accueille la terrasse du café
Pour résumer cette expérience de visite, nous avons été un peu déçus. Porto ayant été capitale européenne de la culture en 2001 (date à laquelle le musée a rouvert après une décennie de travaux), nous en attendions beaucoup de son musée de Beaux-arts ; peut-être trop. Nous sommes toujours désappointés de trouver de « grands » musées développés uniquement dans l’idiome national, et péchant sur la médiation. Car même si nous parlions portugais, la rareté des textes aurait été un frein à notre visite.
Il est également dommage de constater un réel effort de la part des responsables du musées, qui ont l’air de tenter de moderniser la muséographie, mais qui doivent être freinés par les budgets puisque ces innovations sont installées petit à petit, une salle à la fois, sans pouvoir être déployées dans tout le musée, tout à la fois.
A noter également que dès la deuxième salle, une agente de surveillance est venue nous proposer, dans un français tout à fait honorable, un questionnaire recto-verso à compléter sur notre visite ; nous l’avons consciencieusement trimbalé pendant deux heures avant de le déposer à l’accueil, mais il eut été plus constructif de le distribuer à la fin du parcours, et de l’étoffer un peu – heureusement qu’il comportait une section ouverte de commentaires, sinon les informations récoltées nous eussent parues bien maigres ! Un effort d’enquête qui montre une réelle volonté d’améliorer l’institution muséale en prenant en compte la voix du visiteur, mais qui semble encore balbutiante.
Enfin, sur le point de la conservation préventive, qui nous tient à cœur, de réelles améliorations pourraient être apportées…
Bref, un bel écrin pour de belles collections, mais dont la médiation et les conditions de conservation nous paraissent insuffisantes, malgré une équipe muséale qui semble motivée à bien faire son travail.

Pour en savoir plus :
Le site du Musée Soares dos Reis