Kaléidoscope de musées et monuments de par le monde, entre muséologie comparée et tourisme iconographique.

mercredi 6 juin 2012

Fort de Golconde, Hyderabad, Inde


Golconde, Golkonda en télougou dans le texte, dans l’Andhra Pradesh, fut la capitale du royaume de Golkonda (1364-1512), un des cinq sultanats de la plaine du Deccan. En 1590, suite à une terrible sécheresse, les Qutb Shahi, qui règnent sur la région, déplacent la capitale de Golconde à Hyderabad, à 8 kilomètres à l’Est. La ville est définitivement abandonnée en 1687, avec la conquête de l’empereur moghol Aurangzeb, à qui elle avait vaillamment résisté pendant huit mois (et encore, elle ne tomba que suite à une trahison interne).
Son nom de « Fort » est du à ses enceintes successives ; la plus grande mesure une douzaine de kilomètres, et enserre le village moderne que le touriste traverse pour se rendre au monument. Le fort est construit autour d’un promontoire rocheux de 120 mètres de haut, offrant des constructions à flanc de coteau impressionnantes, mais aussi une vue panoramique sur la région environnante.

L’entrée pour touristes est un poil chère, à 100 roupies, contre 5 pour les ressortissants indiens.
La logique de la chose est excellente ; le patrimoine demeure ainsi accessible aux habitants, et tout au long de nos visites en Inde, nous avons été ravis de constater que les Indiens fréquentent assidûment leurs musées et leurs monuments. Et aligner le prix des billets sur les niveaux de vie plus élevés des touristes afin de générer une source de revenus permettant d’entretenir le patrimoine me semble également tout à fait justifié. Cependant, le ratio me paraît énorme, et le service bien minimal pour un tarif aussi élevé (élevé au regard de l’Inde bien sûr, car 100 roupies ça reste très peu converti en euro). D’une part, à ce prix là, on attend de trouver au moins une copie d’un plan et des toilettes en état de fonctionnement (dans un parc de plus de ? mètres carrés, ça paraît légitime). D’autre part, un tarif aussi élevé, nous ne l’avons pour l’instant rencontré qu’à Hyderabad (à part à Hampi où un billet groupé nous a coûté 250 roupies, mais donnait accès à trois monuments majeurs) ; est-ce dû à une prise de conscience des services culturels de la ville de la valeur de leur patrimoine, ou d’une volonté de pouvoir entreprendre des restaurations et assurer leur conservation ? Espérons que ce choix ne soit pas motivé par l’appât du gain.
Pour rester dans les considérations bassement monétaires, pour une fois le droit photographique est gratuit ; en général, il est interdit de prendre des photos, et quand c’est autorisé, il faut payer un ticket par appareil-photo (ou par caméra, et c’est bien plus cher). Ici, prendre des photographies est gratuit, et la vidéographie est à 20 roupies. 


Je me plaignais de l’absence de plan du site ; peut-être est-ce aussi pour encourager les touristes à faire appel aux services d’un guide. A l’entrée du fort, toute une armée de guides assermentés (autorisation suspendue autour du cou) attend d’emmener le touriste, pour des tours d’une demi-heure (version courte) ou une heure et demie (version longue). Après visite, où nous avons flâné pendant trois bonnes heures sans trop y penser, ces visites doivent être très rapides, voire frustrantes ! Comme dans la plupart des sites où les guides proposent leur expertise, une première explication est offerte, devant l’antique plan du site, et on ne les engage que si l’on est satisfait. Etant d’un naturel indépendant, et armés du plan et des explications de notre Lonely Planet, nous nous dirigeâmes à l’assaut du Fort de Golconde sans guide.


 
Dès le début de la visite, une première curiosité réjouit le touriste, de ces anecdotes dont on se rappellera toujours quand on aura oublié le nom du monument en question. Du châtelet qui garde l’entrée du fort (ci-dessus) part tout un réseau de canalisations, dans les murs et les sols du complexe, qui a été étudié et mis en place pour réverbérer les sons dans tout l’ensemble, afin d’être immédiatement averti de l’arrivée d’ennemis ou toute activité suspecte aux portes du fort. Guides et touristes passent donc tous une dizaine de minutes à taper dans leurs mains sous les voûtes, bien que les fameuses canalisations soient effondrées, bouchées, ou cassées, depuis de longues années.

 Vue des décors de la porte d'entrée

Passé ce « châtelet » (le terme n’est peut-être pas approprié, mais je ne suis pas une spécialiste de l’architecture et ça colle plutôt pas mal !), on rentre enfin dans l’enceinte du site pour découvrir toute son ampleur. L’ensemble est immense, très impressionnant, et à perte de vue puisqu’il s’étale sur une colline, et que l’on est à son pied.
Une partie est restaurée, surtout autour de l’entrée : certaines élévations sont vraiment en bon état et laissent entrevoir la splendeur passée, mises en valeur dans de beaux jardins, d’une verdeur peu naturelle sous le soleil de plomb – 44° le jour de notre visite. Cependant, la majorité du site est à l’abandon. On note ça et là et les effets de vieilles campagnes de restauration, les consolidations effectuées (mais pas toujours finies…), mais aussi l’âge de ces travaux. On dirait que seuls les éléments majeurs ont bénéficié d’un réel intérêt (hall d’entrée et bâtiments adjacents, et mosquées) quand le reste était laissé de coté.

 Vue sur la droite quand on entre, exemple d'un des bâtiments restaurés et entretenus

Vue de la colline depuis l'entrée du site 
 
Au départ de l’entrée, je vous dirais bien que plusieurs parcours s’offrent au visiteur, mais ça ne serait pas entièrement vrai. En effet, un chemin dallé, gris et rouge, serpente à partir de là et dans le reste du fort, marquant un itinéraire conseillé ; parfois, il se divise en deux ou trois, pour se reformer plus loin, et propose ainsi divers chemins. Mais en réalité, le visiteur est totalement libre de se promener comme bon lui semble. Dès que l’on s’éloigne de ce serpent gris et rouge, il n’y a plus le moindre chemin, la moindre balise, et on peut explorer le fort exactement comme on le souhaite ; l’escalade est même envisageable. 

 Le fameux "serpent" gris et rouge, et la preuve qu'on ne peut pas forcément lui faire confiance...

Peu d’endroits sont barrés ou fermés ; les seuls que l’on a notés étaient autour de la cour où est installé un spectacle son et lumière, on a donc conclu d’après la disposition des lieux que les salles fermées l’étaient pour protéger le matériel. 

 La zone son et lumière du site ; beaucoup de monuments proposent un spectacle de ce type, ça a apparemment beaucoup de succès auprès du public indien.

Le résultat est assez agréable ; il est plaisant de pouvoir se faire son propre trajet, du coup de manière assez tranquille, puisque le touriste local emprunte peu les chemins de traverse, mais l’ensemble est un minimum fléché pour ne pas trop risquer de se perdre. 

Exemple de "chemin de traverse" évoqué ci-dessus
 
Cependant, il n’y a pas assez de signalétique pour réellement comprendre le site. Le manque de médiation participe-t-il là aussi d’une volonté d’encourager le travail des guides ? Dans ce cas, les touristes non-anglophones (hors tamoul, télougou, et autres langues d’Inde du Sud), sont particulièrement pénalisés.
Le manque de contrôle des visiteurs résulte également en un vandalisme répandu sur tout le site ; partout des gravures et des tags dans les murs, malgré les nombreux panneaux d’interdiction. Il y a trop peu de gardiens pour faire respecter la consigne sur l’ensemble du site ; les seuls que nous ayons croisés étaient proches de l’entrée. 

 La fameuse interdiction...

 et ses nombreuses transgressions. En bas à droite, vous ne rêvez pas, c'est de la fumée ; un tas d'ordures en train de brûler, en plein site.
 
 De nombreux bassins et puits émaillent le site ; tous sont d'une saleté confondante, trahissant un gros problème d'entretien.

Un autre inconvénient de cette « liberté de visite » est dans la sécurité, relativement basse ; on peut penser que certains des vestiges, dont les consolidations sont fort anciennes, et fragilisés par le cycle des moussons et des étés très chauds, sont propices aux éboulements. 

Ca commence à s'écrouler ? Pas de panique, un peu de béton par-ci, un peu de béton par-là, et tout tient de nouveau en place !
 
De plus, de nombreuses zones, en haut de la colline, proposent des points de vue au-dessus d’à-pics sans aucun parapet. Ceci dit, la vue est magnifique. 
 Une grande mosquée (en espérant ne pas vous dire de bêtises, vu le manque de signalétique sur le site, c’est ce que j’ai conclu de l’architecture et des quelques informations que j’ai pu réunir) somme la colline, offrant une vue imprenable sur la plaine, la ville d’Hyderabad, et la nécropole des rois Qutb Shahi, à 1 kilomètre de là. 


 La mosquée du sommet

 Vue depuis le toit-terrasse de la mosquée sur le reste du site en contrebas, et la mégalopole qui s'étend derrière

Juste en dessous de la mosquée abandonnée, un temple à Kali, seul bâtiment du site toujours en activité, et très fréquenté. Sa présence et ses couleurs au milieu de cette ville musulmane désolée résonne comme un pied de nez à l’envahisseur arrivé de l’Ouest il y a plus d’un millénaire.

 Une des peintures à l'entrée du temple

Pour conclure, un site magnifique, et incontournable quand on passe à Hyderabad, et dont l’organisation permet une expérience de visite assez unique et introuvable sur les sites plus policés d’Europe par exemple. Cependant, il est à déplorer le manque de sécurité pour le visiteur, mais aussi pour les monuments, copieusement dégradés par les visiteurs et le manque d’entretien. Le site mériterait une plus ample médiation, pour une meilleure compréhension (et des plans qui auraient moins de 50 ans). 

En bonus, deux photos des belles arcades du Fort, dont on apprécie tellement la fraîcheur par 45 degrés :



Liens utiles :
L'histoire du fort sur Wikipédia, pour aller un peu plus dans le détail

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire