Kaléidoscope de musées et monuments de par le monde, entre muséologie comparée et tourisme iconographique.

lundi 2 septembre 2013

Tolbooth Museum, Aberdeen, Ecosse



Le Musée Vivant est toujours vivant ! Il se promenait en Ecosse et en Angleterre (puis en Espagne et au Maroc...), et après avoir constaté le triste état du patrimoine indien, c’est un bol d’air frais – très frais. Aujourd’hui, nous nous envolons donc pour Aberdeen, et son Tolbooth Museum.

Le donjon de gauche abrite le Tolbooth Museum
Première précision ; qu’est ce qu’un tolbooth ? Avant de mettre les pieds en Ecosse, j’avais beau parler anglais, je n’avais jamais entendu ce mot. On le rencontre pourtant dans quasiment toutes les villes ; il s’agit d’une sorte de donjon, où sont gardés les prisonniers avant le jugement. Il est souvent couplé à l’hôtel de ville, et reconverti en musée ces dernières décennies. 

L'entrée des salles d'exposition, ou l'hospitalité écossaise
Celui d’Aberdeen ne fait pas exception. Et nous avons eu la chance de le visiter juste avant la fermeture saisonnière, car dans le nord de l’Ecosse, une fois l’été fini, on ferme tout. Enfin presque. En tout cas ne vous attendez pas à le trouver ouvert si vous passez à Aberdeen hors saison touristique.
Sis sur la grosse artère de la ville, Castle Street, à deux pas de la Mercat Cross, dans un bel ensemble architectural avec l’hôtel de ville voisin, et le palais de la Salvation Army de l’autre coté de la place, on croirait à un grand délire néo-gothique. Que nenni, le bâtiment a tout de même quatre siècles, malgré son apparence très médiévalo-rocambolesque (j’adore ces architectures qu’on ne trouve qu’au Royaume-Uni !).
A l’entrée, l’accueil est aussi sympathique que dans la plupart des musées et monuments que nous visiterons durant notre séjour ; le personnel est le plus souvent agréable, professionnel et accueillant, et dispose de brochures en français (ou autres langues étrangères). 

  

C’est par un tout petit escalier qu’on accède aux salles ; le personnel à l’entrée s’excuse d’ailleurs à plat ventre de l’absence d’accessibilité aux handicapés, mais il s’agit d’un monument historique, qu’on ne peut pas adapter… C’est gentiment expliqué, alors on les pardonne. Et franchement, quand on monte, on comprend que le bâtiment ne peut pas être équipé d’un ascenseur. On circule entre des petites salles, très sombres, toutes à un niveau différent, donc reliées par des volées de marches plus ou moins hautes, et le deuxième étage est accessible par un escalier tellement étroit que… j’ai cru qu’une visiteuse qui était là en même temps que nous allait y rester coincée. 


Ces contraintes inhérentes à la muséification d’un monument ancien n’empêchent pas le musée d’être équipé d’une lumière douce, de panneaux d’exposition rétro-éclairés de qualité, de détecteurs de fumée (préoccupation britannique majeure), d’alarmes, de caméras… tout en conservant les anciennes portes de geôles, chargées de larges ferrures et de lourds cadenas.

 

Tout cela est bien gentil (quoique ?), mais que renferme donc le Tolbooth Museum ? Il abrite le musée d’histoire de la ville d’Aberdeen, de sa fondation antique à l’ère moderne, et des collections de criminologie, liées à l’histoire du bâtiment lui-même.
Dans la première salle, une grande maquette (un poil kitsch, mais qui fait son office) donne une idée du passé glorieux d’Aberdeen. Inspirée de la carte de Parson Gordon, elle montre le développement médiéval de la ville, avant le percement des grandes artères modernes.





  S’ajoutent à l’exposition permanente du musée des panneaux expliquant les rôles de chaque salle et reprenant l’histoire du bâtiment. Des maquettes et des vues en coupe viennent en renfort, créant un ensemble très didactique et clair. Une belle réussite au regard de la complexité de la structure du bâtiment. 


Une des salles, consacrée au rôle des baillis, les administrateurs de la ville, dispose de belles collections, dans une atmosphère contrôlée. Les costumes sont présentés sur des mannequins parfaitement adaptés à leur usage, les cartels sont développés. Une bande-son explicative s’enclenche par détecteur de mouvement ; elle est malheureusement un peu complexe pour nous, pauvres français, mais l’installation est belle et complète.




 
"Climb the stairs to the cell", une invitation qui ne se refuse pas
A l’étage, une exposition, répondant au charmant nom de « Punishment », regroupe les collections liées au crime du musée. On accède à une cellule par un minuscule escalier très raide (que je cite plus haut), où on est accueilli par le mannequin d’une prisonnière dépenaillée et enchaînée. La scène sent les années 80, mais l’effet de surprise est très efficace, et va très bien avec l’atmosphère du lieu. 

Sur la droite, on aperçoit Unlucky Mary, enchaînée ici depuis bien trop longtemps, et qui m'a légèrement fait sursauter en entrant
Bah alors ma grande, on a l'air un peu dépitée  non ?



Sur un des murs de la salle sont projetées des copies de registres de prisonniers, comprenant les délits ou crimes commis et les peines endurées


Une section est consacrée à la chasse aux sorcières. Ci-dessus, un casque qui permettait de les empêcher de lancer des sorts verbaux. Miam.

Les guillotines, ou "pourquoi on a aboli la peine de mort".
Dans cette petite salle, on trouve des objets liés à la vie en prison, et des textes narratifs sur différents prisonniers ayant séjourné ici. Le mur du fond est couvert par une liste de noms de prisonniers.
Une deuxième salle est consacrée aux prisonniers jacobites*. Une petite cellule, très sombre, à la désagréable odeur de poussière et de renfermé, abrite trois mannequins glauques figurant des prisonniers capturés après la bataille de Culloden. Quand on entre dans la salle, on déclenche un détecteur de mouvement, qui allume un vidéo-projecteur, qui « réveille » un des mannequins. L’effet de surprise est là aussi saisissant ; on ne s’y attend pas, on regarde d’un air sceptique trois mannequins poussiéreux, et tout d’un coup l’un fronce les sourcils, et se met à nous regarder ; il entonne ensuite d’une voix fatiguée – à l’accent so scot ! – une litanie sur leur triste histoire, et la fin sordide qui les attend. On est dans le sensationnel, dans le spectacle, mais le dispositif marche très bien. Par contre, ne vous approchez pas trop, l’alarme est très sensible… 
Le mannequin de droite à la face spectrale est celui qui s'anime


Une dernière salle à cet étage retrace les évasions célèbres de la prison ; parmi les plus marquantes, un prisonnier qui arrive à saouler ses gardiens avant de prendre la poudre d’escampette, ou un autre qui s’évade caché dans une malle, que les femmes de sa famille avaient réussi à faire rentrer dans le Tolbooth…

 
Ces dernières salles sont révélatrices d’un trait que nous allions observer dans les semaines à venir en Ecosse puis en Angleterre : le goût pour l’anecdote. Musées et monuments regorgent de petites histoires, de détails amusants, qui nous les rendent plus faciles à s’approprier, et que l’on retient plus surement que les dates de fondation d’une abbaye ou la généalogie du seigneur local. Si parfois on verse dans le trop anecdotique, quand la petite histoire supplante la grande, au Tolbooth d’Aberdeen, c’est un juste milieu agréable, pour une visite sympathique.

Liens utiles :
Le Tolbooth Museum sur le site de la ville d'Aberdeen

* Pour mémoire, la révolte jacobite est un mouvement de rébellion écossais entre 1688 et 1746. Initialement, il vise à ramener sur le trône Jacques Stuart VII d’Ecosse et II d’Angleterre, fils de Charles Ier, et dernier monarque catholique de Grande-Bretagne. Il meurt en 1701 à Saint-Germain-en-Laye, sans être restauré. Les Jacobites trouvent un nouveau leader en Bonnie Prince Charlie, dernier descendant des Stuart, élevé en France, qui réveille le mouvement populaire en 1745. Il est défait en 1746, à la fameuse bataille de Culloden.

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